Alis marchait. Elle écoutait le silence, à peine troublé par le léger froissement de ses habits et le bruit de ses pas sur les pavés. L'horloge de l'église indiquait qu'il était onze heures passées de quarante minutes. Alis s'était levée tôt, et elle commençait déjà à avoir faim. Elle n'avait pourtant pas envie de rentrer, et comptait profiter de ce moment de calme. Bien qu'elle n'ait jamais vraiment cru en Dieu (si son éducation avait été sommaire, son éducation religieuse l'avait été bien plus encore) et qu'elle entrait dans une église tous les trente-six du mois (elle se fichait bien d'être mal vue), elle aimait cet endroit pour sa beauté et sa sérénité. Elle alla s'asseoir, comme souvent, sur un banc près du muret qui bordait l'église, au-dessus duquel s'étendaient les branches d'un arbre, dont le vent faisait bruisser les feuilles. Elle ferma les yeux et imagina que le soleil brillait, chatouillant son visage de ses rayons. C'était peut-être ce qui lui manquait le plus. Elle se revoyait enfant, lorsqu'elle avait pour activité préférée de grimper dans les arbres, ce qui mettait sa mère dans tous ses états - augmentant ainsi le plaisir de la fillette espiègle qu'elle était alors.
Elle ouvrit soudain les yeux, alertée par un bruit qui annonçait le passage d'une voiture. Bien qu'ils soient rares, ce n'était pas cela qui l'avait inquiétée, mais le piaffement des chevaux, que le conducteur avait apparemment du mal à calmer.
Les sens aux aguets, elle tâta l'épée sous sa robe simple qui recouvrait des bottes de chasse. Si les chevaux étaient toujours un peu nerveux depuis l'arrivée des Anamnésis, il fallait que l'un d'eux soit proche pour qu'ils soient aussi agités.
Alors que la voiture arrivait à sa hauteur, Alis eu juste le temps d’apercevoir une ombre avant qu'un jeune homme aux yeux vides et au rictus avide n’atterrisse avec une agilité surhumaine sur le toit du véhicule.
La Chasseuse se leva vivement et s'approcha de la voiture, menaçante. Les chevaux, en voyant sa lame, ruèrent de plus belle. D'un rapide coup d'épée, Alis trancha les liens de cuir qui les attachaient à la voiture, arrachant un cri de surprise et d'indignation au conducteur. Il la regarda, terrifié, ne sachant si il avait à faire à un ami ou à un ennemi.
Alis, qui n'avait aucunement l'intention de le rassurer, s'adressa à l'Anamnésis avec un sourire ironique qui tranchait avec son regard glacial et sa voix tranchante :
- Descend de là, sale bête ! Essaie-donc d'aspirer mon âme ! Ne te fait-elle pas envie ?
Elle ne put s'empêcher de détourner les yeux quelques secondes de son adversaire pour tenter de voir qui étaient le ou les passagers de la voiture. Entre les rideaux, elle crut distinguer la chevelure d'une femme et un visage assez jeune. Elle reporta cependant bien vite son attention sur l'Anamnésis, qui la fixait d'un regard plein de haine.